Comment les organisations construisent une culture de l’éthique de l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle (IA) transforme en profondeur les entreprises : de l’automatisation du service client à l’optimisation des chaînes logistiques, en passant par la personnalisation des campagnes marketing. Mais à mesure que son influence s’étend, une réalité s’impose : l’IA n’est pas exempte de risques, et son utilisation responsable devient un impératif stratégique.
Thomas Davenport, professeur à l’université Babson et chercheur invité au MIT Initiative on the Digital Economy, souligne que les systèmes d’IA doivent être conçus pour être sûrs, sécurisés, équitables et transparents. Ces exigences ne sont pas théoriques : elles répondent à des risques bien réels, comme les biais algorithmiques, les vulnérabilités en cybersécurité ou encore la perte de contrôle sur des contenus inappropriés générés automatiquement.
Alors, comment les entreprises s’organisent-elles pour intégrer ces considérations dans leur culture ?
Intégrer l’éthique dans l’ADN de l’IA
Davenport insiste sur un point fondamental : l’éthique de l’IA ne peut pas être un supplément d’âme. Elle doit être intégrée dès les premières phases de conception des solutions, et surtout, devenir l’affaire de toutes et tous au quotidien, pas seulement celle d’un comité isolé.
Certaines entreprises pionnières montrent l’exemple. C’est le cas d’Unilever, qui a mis en place une cellule d’assurance IA. Chaque nouveau cas d’usage passe par une analyse des risques éthiques et d’efficacité. Un questionnaire initial permet à une application IA d’évaluer le niveau de risque, et donc la faisabilité du projet. Résultat : les modèles déployés sont mieux alignés avec les valeurs de l’organisation.
Scotiabank, de son côté, a formalisé une politique de gestion des risques liés à l’IA et une équipe dédiée à l’éthique des données. Tous les collaborateurs concernés par l’analyse de données suivent une formation obligatoire sur ces sujets. En collaboration avec Deloitte, la banque a aussi développé un assistant éthique automatisé, qui évalue chaque cas d’usage avant son déploiement.
Ces démarches montrent que l’éthique ne doit pas freiner l’innovation, mais au contraire, en devenir un catalyseur durable.
Les cinq étapes pour bâtir une culture éthique autour de l’IA
Davenport propose une grille de lecture pragmatique pour guider les entreprises : cinq étapes clés qui permettent de passer du discours à l’action.
- Évangélisation Il s’agit de diffuser la conscience éthique, en interne comme en externe. Des ambassadeurs prennent la parole sur l’importance de l’éthique de l’IA, posant ainsi les bases culturelles.
- Politiques Des politiques concrètes sont formulées et validées au plus haut niveau, créant un cadre clair pour les pratiques éthiques autour de l’IA.
- Documentation Chaque cas d’usage est formellement documenté, par exemple à travers des “model cards” qui décrivent comment et pourquoi le modèle a été conçu.
- Revue Une évaluation rigoureuse est menée pour s’assurer de la conformité éthique de chaque projet d’IA.
- Action L’entreprise met en place des procédures concrètes : acceptation, renvoi pour modification, ou rejet d’un cas d’usage, en fonction des résultats de la revue.
Vers une stratégie éthique intégrée
Mettre en œuvre cette approche demande du temps, des compétences et une volonté politique. Mais les bénéfices sont multiples : réduction des risques, meilleure adoption par les utilisateurs, conformité réglementaire, et surtout, confiance accrue des parties prenantes.
Comme le résume Davenport : « L’éthique ne doit pas être un point de contrôle final, mais une composante continue de tout le cycle de vie des solutions d’IA : de la conception à la surveillance post-déploiement. » Ce sont les organisations qui adoptent cette approche globale qui tirent réellement parti de l’IA, sans compromettre leurs valeurs.
Contact : Peter Keates
Fondateur Onopia
Consultant Sénior en Stratégie, Innovation de Business Model et IA Générative