Économie de la fonctionnalité et de la coopération : un modèle d’affaires centré sur l’usage et la durabilité

Économie de la fonctionnalité et de la coopération : un modèle d’affaires centré sur l’usage et la durabilité

Économie de la fonctionnalité et de la coopération : un modèle d’affaires centré sur l’usage et la durabilité

Vers un nouveau business model orienté usage plutôt que propriété

Face aux défis écologiques et sociétaux actuels, de plus en plus d’entreprises explorent des modèles d’affaires innovants centrés sur l’usage plutôt que sur la vente de produits. L’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) s’inscrit dans cette dynamique : elle propose de vendre un service ou une performance d’usage plutôt que de transférer la propriété d’un bieneconomiecirculaire.org. Concrètement, il ne s’agit plus d’acheter un produit pour en être propriétaire, mais de payer pour son usage et les services associés, le fournisseur restant propriétaire du bien tout au long de son cycle de vienotre-environnement.gouv.fr. Ce modèle économique repose ainsi sur la mise à disposition d’une solution répondant à un besoin – se déplacer, se chauffer, s’éclairer, s’alimenter, se soigner – plutôt que sur la vente d’un objet.

Cette approche cooperative implique une relation renforcée entre le fournisseur et l’usager, qui doivent collaborer pour optimiser l’utilisation du bien. Elle valorise les externalités positives : l’offre est co-construite avec le client et vise des effets utiles sociaux et environnementaux, en s’adaptant aux besoins réels des utilisateurs et en s’inscrivant dans une logique de long termenotre-environnement.gouv.fr. En ce sens, l’EFC dépasse la transaction classique et nécessite de repenser en profondeur la stratégie de l’entreprise, son organisation et les compétences de ses collaborateursnotre-environnement.gouv.fr.

Un modèle au service de l’innovation, de la durabilité et des externalités positives

En substituant la vente d’un service à celle d’un bien, l’économie de la fonctionnalité introduit un changement de paradigme aux multiples bénéfices. D’abord, elle incite les entreprises à innover pour offrir les solutions les plus performantes et durables, plutôt que de chercher à écouler un maximum de volumes. « Le premier effet positif de l’économie de la fonctionnalité va être de pousser les entreprises non plus à produire au prix le plus bas, mais à innover pour fabriquer un produit le plus performant possible », explique ainsi Gaël Quéinnec, directeur prospective chez Michelinlemonde.fr. Dans un modèle classique, un pneu qui durerait 20 % plus longtemps ne pourrait être vendu 20 % plus cher car le client douterait de la promesse ; avec l’EFC, Michelin préfère vendre des kilomètres parcourus et partager la valeur créée avec le clientlemonde.fr. Ce partage de la valeur aligne les intérêts du fournisseur et de l’usager : les deux parties gagnent à réduire la consommation de ressources (par exemple faire durer les pneus le plus longtemps possible). On assiste ainsi à un “triple alignement” des intérêts entre l’entreprise, le client et la planète, selon Laurence Grandcolaslemonde.fr. En d’autres termes, la réussite économique est conditionnée à un usage plus sobre, ce qui profite également à l’environnement et aux consommateurs.

Ensuite, ce modèle encourage la durabilité des biens et combat l’obsolescence programmée. Puisque le producteur conserve la propriété, il a intérêt à concevoir des biens robustes, réparables et évolutifs. Il assure souvent la maintenance, le réemploi ou le recyclage, ce qui prolonge la durée de vie des équipements. Par exemple, un fournisseur de machines-outils peut garantir un certain niveau de performance pendant de nombreuses années, incluant mises à jour et réparations, plutôt que de vendre une machine à renouveler fréquemment. L’offre s’ajuste au plus près des besoins du client tout en favorisant la réparation et l’entretien des biens – une pratique inscrite au cœur des objectifs de développement durablenotre-environnement.gouv.fr.

Les gains environnementaux peuvent être très élevés. Dans le secteur de l’éclairage, le fait de vendre de la « lumière » plutôt que des ampoules a rendu possible une réduction de 50 à 90 % de la consommation d’énergie pour un même servicelemonde.fr. De manière générale, en optimisant l’usage des produits (meilleur taux d’utilisation, efficacité accrue), on limite le gaspillage de ressources et la pollution associée à la surproduction. L’EFC s’attaque ainsi à la racine du modèle linéaire (produire-consommer-jeter) en décorrélant la création de valeur de la consommation de ressources. Elle s’inscrit pleinement dans la recherche d’une économie circulaire plus sobre : en France, l’économie de la fonctionnalité est d’ailleurs reconnue comme l’un des sept piliers de l’économie circulaire, promue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verteeconomiecirculaire.org.

Sur le plan social, ce modèle peut également générer de nouvelles opportunités économiques. Le passage d’une logique de vente de biens à une logique de services entraîne le développement d’activités à plus forte valeur ajoutée (conseil, formation, maintenance…), potentiellement créatrices d’emplois locaux et qualifiésnotre-environnement.gouv.fr. Les clients bénéficient quant à eux d’une plus grande flexibilité (paiement à l’usage, moindre investissement initial) et d’une garantie de résultat. Comme le souligne Deloitte, adopter un modèle « as-a-Service » apporte aux consommateurs convenience et accessibilité financière, tandis que les fournisseurs profitent de revenus récurrents et d’une relation client renforcée sur le long termewww2.deloitte.comwww2.deloitte.com. Les entreprises qui ont fait évoluer leur offre vers ces modèles rencontrent un succès notable sur le marché, récompensées par les consommateurs et les investisseurs, ce qui met la pression sur celles qui persistent dans le modèle traditionnel de vente unitairewww2.deloitte.com. En somme, l’EFC permet d’allier performance économique, innovation durable et impacts positifs pour la société, répondant ainsi aux attentes croissantes des citoyens (80 % des Français se disent favorables à l’idée de privilégier l’usage à la possession d’un bienlemonde.fr).

Des exemples concrets dans différents secteurs et pays

L’économie de la fonctionnalité n’est plus une vue de l’esprit : elle se déploie déjà dans de nombreux secteurs d’activité, avec des exemples pionniers qui illustrent la diversité de ses applications. Tour d’horizon dans la mobilité, l’énergie, la construction, l’industrie, la santé ou le numérique, en France et ailleurs, où ce modèle d’affaires commence à faire ses preuves.

Mobilité et transports : de la vente de voitures à la vente de la mobilité

Le secteur de la mobilité est au cœur de cette transformation. Plutôt que de vendre un véhicule, il s’agit d’offrir une solution pour se déplacer efficacement. Concrètement, cela se traduit par l’essor de formules d’abonnement mobilité : de nombreux constructeurs automobile proposent désormais des offres de location longue durée ou de car subscription intégrant assurance, maintenance et services, à mi-chemin entre la location et l’autopartageeconomist.com. En Europe, des start-ups comme Onto (Royaume-Uni) ou Finn (Allemagne) rencontrent un succès notable avec des abonnements mensuels donnant accès à une voiture sans les contraintes de propriétébcg.com. Ces nouveaux acteurs montrent que l’idée, d’abord jugée anecdotique par l’industrie, est devenue un véritable business, au point que tous les grands constructeurs réfléchissent à l’intégrer à leur stratégie pour attirer une clientèle en quête de flexibilitébcg.com.

Dans les transports professionnels, l’approche fonctionnelle est également mise en œuvre. Le cas emblématique est celui de Michelin : le fabricant français ne vend plus seulement des pneumatiques, il facture des kilomètres parcourus. Via son offre Michelin Fleet Solutions, l’entreprise reste propriétaire des pneus et facture les transporteurs au kilomètre, en s’engageant sur la performance (durée de vie, sécurité)lemonde.fr. Les clients achetant des “kilomètres” plutôt que des pneus sont formés au bon usage des équipements et réalisent des économies, tout en réduisant leur empreinte environnementalelemonde.fr. Ce modèle de « pneu au kilomètre » aligne les objectifs : Michelin optimise la longévité de ses produits et le transporteur diminue ses coûts et déchets (moins de pneus à remplacer).

Au-delà de l’offre de chaque entreprise, c’est tout le système de mobilité qui peut être repensé sous l’angle de l’usage. « La fin des voitures, ce n’est pas seulement sortir de la propriété », rappelle Christian du Tertre, économiste à l’origine du concept EFC en France. Il s’agit d’envisager l’ensemble du système de transport et d’apporter des solutions adaptées à chaque bassin de vielemonde.fr. Cela peut passer par le développement de services multimodaux intégrés (combiner transports en commun, vélos en libre-service, autopartage, covoiturage…), encouragés par les collectivités. On voit ainsi émerger des partenariats public-privé pour offrir la mobilité comme un service (MaaS, Mobility as a Service) plutôt que de pousser à la vente de véhicules individuels. L’objectif est un transport plus durable (moins de congestion et de pollution) sans sacrifier le confort des usagers, en tirant parti de la coopération entre acteurs (constructeurs, opérateurs, collectivités, citoyens).

Énergie et bâtiments : vers une performance énergétique vendue comme un service

Dans le domaine de l’énergie, l’économie de la fonctionnalité conduit à vendre des résultats (chaleur, éclairage, confort) plutôt que des kilowatts ou des équipements. Un exemple marquant est celui de Philips Lighting (devenu Signify) qui a adopté le principe du « Light as a Service ». Au lieu de commercialiser des ampoules, Signify propose à ses clients industriels un engagement de performance lumineuse. Par contrat, l’entreprise s’occupe de tout : elle finance l’installation d’un système d’éclairage optimisé (par exemple en LED), assure son entretien, et se rémunère sur les économies d’énergie réalisées sur la duréelemonde.frlemonde.fr. À l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol ou dans des usines, ce modèle a permis de réduire drastiquement la consommation électrique (jusqu’à cinq fois moins d’énergie consommée) tout en garantissant un niveau d’éclairage adaptélemonde.fr. C’est un client – l’architecte néerlandais Thomas Rau – qui aurait soufflé l’idée à Philips en déclarant : « Ne me vendez pas des ampoules, vendez-moi de la lumière »lemonde.fr. Le succès de cette approche vertueuse (50 à 90 % d’économie d’énergie selon les sites) tient toutefois à un critère : elle est particulièrement viable avec des clients à usage intensif, pour lesquels les économies d’échelle justifient l’investissement du fournisseurlemonde.fr.

De la même manière, des entreprises de services énergétiques proposent aux bâtiments des contrats de performance. Par exemple, un chauffagiste comme Dumont en France ne vend plus seulement des chaudières, mais des « solutions de performance énergétique » garantissant aux occupants d’un immeuble un certain confort thermique pour un coût optimisélemonde.fr. Cela peut inclure l’installation d’une nouvelle chaudière plus efficiente, son entretien régulier et des conseils pour économiser l’énergie. Le client paie un forfait lié aux résultats (par exemple, une température garantie et des factures réduites), plutôt qu’acheter du fuel ou du gaz sans garantie de rendement. Ce modèle incite le prestataire à maximiser l’efficacité énergétique (meilleure isolation, régulation fine, etc.), puisque c’est sur cette performance qu’il est rémunéré. On le voit : l’incitation économique est entièrement tournée vers la sobriété et la qualité du service, et non plus vers la vente de plus de combustibles ou d’appareils.

Dans la construction et la gestion des bâtiments, l’EFC ouvre la voie à l’architecture circulaire. Au lieu de bâtir puis de laisser le propriétaire gérer les coûts d’usage (entretien, énergie), on peut imaginer des bâtiments conçus et exploités dans une logique de service. Des projets pilotes voient le jour où le constructeur reste propriétaire de certains éléments du bâtiment (panneaux solaires, ascenseurs, systèmes de ventilation…) et facture à l’usage (par exemple, un montant mensuel pour maintenir une qualité d’air ou une température donnée). Cela garantit une maintenance optimale et une mise à jour technologique régulière, tout en évitant au client final un investissement initial lourd. Ici encore, la coopération entre acteurs est clé : les promoteurs immobiliers, gestionnaires d’immeubles, fournisseurs d’énergie et usagers doivent travailler de concert pour définir des contrats de service sur mesure, adaptés aux besoins locaux. Les gains se mesurent en tonnes de CO₂ évitées, en coûts totaux réduits sur le cycle de vie du bâtiment, et en confort accru pour les usagers – autant d’externalités positives rendues possibles par ce nouveau modèle d’affaires.

Industrie et biens d’équipement : de la vente de produits à la vente de leur utilité

Le monde de l’industrie illustre historiquement l’économie de la fonctionnalité à travers plusieurs cas pionniers souvent cités. Dès les années 1960, Xerox a inventé la location de photocopieurs avec facturation à la copie, plutôt que la vente unitaire de machines. Ce modèle de la « photocopieuse en tant que service » s’est avéré gagnant : Xerox assurait le suivi des appareils, la fourniture de consommables, et les clients payaient uniquement les pages imprimées. Aujourd’hui encore, Xerox ne vend plus des copieurs, mais les loue avec un service complet de gestion du parc d’impression (maintenance, papier, toner)lemonde.fr. Cela garantit au client un parc toujours fonctionnel et adapté à ses besoins, et à Xerox un revenu stable indexé sur l’usage effectif.

De même, Michelin (pour les pneumatiques industriels) et Signify/Philips (pour l’éclairage) figurent parmi les entreprises qui ont refondé leur modèle économique sur la fonctionnalité. Nous avons vu Michelin vendre des kilomètres de transport routier et Philips vendre de la lumière plutôt que des produits physiques. Un autre exemple souvent mis en avant est celui de Rolls-Royce dans l’aéronautique : via son offre de maintenance TotalCare, le motoriste britannique facture les compagnies aériennes « à l’heure de vol » de ses réacteurs plutôt qu’à l’achat. Ce système, connu sous le nom de Power by the Hour, aligne là encore les intérêts : Rolls-Royce est rémunéré uniquement lorsque ses moteurs fonctionnent, ce qui l’incite à minimiser les pannes et à prolonger la durée de vie des piècesrolls-royce.comknowledge.wharton.upenn.edu. Ce mode de contrat, qualifié de logistique performancielle (performance-based logistics) dans le secteur de la défense, redéfinit la relation client-fournisseur : on ne vend plus un équipement, on s’engage sur un niveau de service pendant une durée donnéeknowledge.wharton.upenn.edu. Il en résulte pour le client une meilleure disponibilité du matériel et des coûts étalés dans le temps, et pour le fournisseur un engagement à innover en maintenance prédictive et amélioration continue.

L’industrie manufacturière adopte aussi l’EFC à d’autres échelles. Des fabricants de machines proposent par exemple de vendre l’usage de leurs équipements industriels : Kaeser Kompressoren, en Allemagne, offre à ses clients du « m³ d’air comprimé garanti à haute efficacité énergétique » au lieu de vendre des compresseurseconomiecirculaire.org. Le compresseur reste propriété de Kaeser, qui l’installe chez le client et assure sa gestion optimale. Le client paye uniquement l’air comprimé consommé, avec l’assurance d’une disponibilité et d’un rendement énergétique convenus. Là encore, Kaeser a tout intérêt à ce que ses compresseurs consomment le moins d’électricité possible pour fournir le service, ce qui a conduit l’entreprise à innover vers des machines moins énergivores et plus fiables. D’autres exemples existent, comme Texifold/Textifloor dans la location de revêtements de sol industriels ou Steelcase dans le mobilier de bureau en tant que service. Tous témoignent d’une évolution où la qualité de service et la fidélisation priment sur la vente one-shot.

Notons que cette transformation ne concerne pas que les grands groupes. De PME industrielles s’y mettent également pour sortir de la guerre des prix et du cycle infernal de la volume. En France, la société AMV Mecaconcept (fabriquant de couteaux industriels) ou l’imprimerie Flex’Ink ont repensé leur offre sous l’angle de l’usageeconomiecirculaire.org. Flex’Ink, par exemple, est passée de la vente d’impressions à un service d’abonnement où les clients impriment à la demande la quantité juste, avec mises à jour de leurs documents en ligne. Son patron résume le résultat : « Moins j’imprime, plus je suis rentable », ses revenus provenant des abonnements et non plus du volume imprimélemonde.fr. Cela illustre bien le renversement de logique économique : la rentabilité découle de la réduction de l’usage superflu, ce qui incite l’entreprise à éviter le gaspillage (impressions inutiles) – un cercle vertueux économiquement et écologiquement.

Santé et bien-être : une offre centrée sur les usages utiles

Le secteur de la santé et du bien-être commence lui aussi à explorer ces nouveaux modèles. L’idée générale est de passer d’une logique de moyens (vendre des médicaments, des équipements médicaux, des prestations à l’acte) à une logique de résultat pour le patient ou l’usager (amélioration de la santé, du bien-être). Par exemple, plutôt que de vendre des appareils d’exercice physique, certaines salles de sport proposent des abonnements à des programmes personnalisés de remise en forme, avec mise à disposition d’équipements et coaching, l’objectif étant le résultat (santé des clients) plus que la simple utilisation des machines. De même, l’industrie pharmaceutique discute de modèles de tarification au résultat clinique (le médicament n’est payé que s’il est efficace pour le patient), ce qui s’apparente à la fonctionnalité dans le sens où l’on paie pour un effet utile et non pour un produit en soi.

En France, un exemple concret d’entreprise ayant pivoté vers cette approche est Les Paniers de Léa. Cette petite société vendait à l’origine des corbeilles de fruits aux entreprises (pour la pause des salariés). Elle a transformé son offre pour proposer un programme complet d’amélioration de l’alimentation en entrepriselemonde.fr. Plutôt que de livrer simplement des corbeilles, elle travaille avec les employeurs et employés sur des ateliers nutritionnels, la fourniture régulière de fruits de saison, des conseils diététiques, etc., le tout dans une formule packagée. L’objectif n’est plus le produit (les fruits) mais le changement de comportement alimentaire et le bien-être des personnes. Ici, la valeur pour le client (entreprise) réside dans l’amélioration de la santé des salariés et la démarche RSE, davantage que dans la quantité de fruits livrés. Le modèle économique de l’entreprise intègre cette dimension qualitative, ce qui la distingue sur son marché et répond à un enjeu sociétal (prévention santé). On peut imaginer à l’avenir des offres similaires de la part d’assureurs santé ou de mutuelles : par exemple, facturer des services de prévention, d’accompagnement personnalisé (sport, nutrition, télémédecine) plutôt que de se limiter au remboursement de soins. Cela créerait un écosystème où tous ont intérêt à ce que l’usager reste en bonne santé, rejoignant l’esprit de coopération de l’EFC.

Numérique et services : l’ère du « as-a-Service » et de l’accès plutôt que la possession

Le domaine numérique a sans doute familiarisé le grand public avec l’idée d’usage prévalant sur la propriété. Depuis plus d’une décennie, nous ne possédons plus nos contenus musicaux ou vidéos sous forme de CD ou de DVD, nous y accédons via des plateformes de streaming par abonnement. « Les offres d’abonnements sur iTunes, Spotify ou Netflix ont répandu l’idée que posséder des montagnes de CD ou DVD n’avait plus aucun sens », observe Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopieslemonde.fr. En effet, le streaming et la dématérialisation ont démontré l’attrait du modèle fonctionnel : pour un forfait, l’utilisateur profite d’un vaste catalogue sans s’encombrer de supports physiques, et le fournisseur obtient un revenu récurrent tout en pouvant valoriser ses contenus sur la durée.

De même, dans le logiciel et les services numériques, le modèle Software-as-a-Service (SaaS) s’est imposé. Plutôt que d’acheter une licence permanente d’un logiciel (et d’en changer de version tous les X ans), les clients paient un abonnement pour utiliser en ligne la dernière version à jour. Microsoft, Adobe ou Salesforce ont basculé toute leur offre sur ce modèle, y voyant plusieurs avantages : une lutte plus efficace contre le piratage, une meilleure fidélisation, et la possibilité d’améliorer continuellement le service. Les clients y gagnent en flexibilité (évolutivité de l’abonnement, moindre coût initial) et en simplicité d’usage. Cette tendance s’étend aujourd’hui à pratiquement tout : on parle d’« Everything-as-a-Service » (XaaS), où des secteurs entiers passent d’une logique de vente de biens à une logique de vente de l’usage et de l’expérience associée.

Selon une analyse de Deloitte, même des industries traditionnellement centrées sur la vente d’équipements (high-tech, électronique, machines-outils, etc.) adoptent désormais des modèles à la demande pour fournir des « outcomes » (résultats concrets) à leurs clientswww2.deloitte.com. Les clients évitent ainsi un investissement en capital et n’achètent que le service rendu par l’appareil, tandis que le fournisseur peut construire une relation client de long terme. Les bénéfices pour le client sont la **flexibilité, la convenance et l’abordabilité, tandis que le fournisseur profite de revenus plus stables et d’économies d’échelle en mutualisant ses actifs entre plusieurs usagerswww2.deloitte.com. Le succès d’entreprises 100 % en mode service (comme les fournisseurs de cloud computing type Amazon Web Services dans l’informatique, ou Uber qui vend de la mobilité urbaine à la demande) a montré la voie. Elles ont bousculé les acteurs traditionnels et démontré que le marché plébiscite souvent l’usage pratique sur la possession. Désormais, adopter un modèle serviciel est en passe de devenir un impératif pour rester compétitif dans de nombreux secteurswww2.deloitte.com.

Enjeux et perspectives : vers une économie plus circulaire et coopérative

L’économie de la fonctionnalité et de la coopération apporte une réponse concrète aux enjeux de soutenabilité et d’innovation. En se recentrant sur la valeur d’usage, elle pousse les entreprises à revoir leur mission : délivrer une utilité au client tout en minimisant les impacts négatifs. Ce faisant, elle ouvre aussi de vastes opportunités économiques. De nouveaux marchés apparaissent (maintenance avancée, conseil en optimisation, solutions intégrées clés en main), de même que de nouvelles formes de partenariats entre fournisseurs, clients et même collectivités. Dans les territoires français, on voit ainsi éclore des clubs d’entreprises engagées dans l’EFC, soutenus par l’ADEME et coordonnés par l’Institut Européen de l’EFC fondé en 2014lemonde.fr. Ces réseaux locaux, présents par exemple dans les Hauts-de-France (Club Noé) ou le Grand Est, favorisent le partage d’expérience et la coopération entre PME pour bâtir des offres fonctionnelles dans des domaines aussi variés que l’alimentation, la mobilité, l’habitat ou la formationlemonde.fr. Cette approche collective et territoriale permet de repenser les grandes fonctions de la vie (se nourrir, se déplacer, se loger, se soigner…) de manière systémique, en impliquant tous les acteurs d’une chaîne de valeur.

Cependant, la transition vers ce modèle ne se fera pas du jour au lendemain. « Ce changement de culture ne va pas se faire en quelques années. C’est le programme des trois ou quatre prochaines décennies », avertit Christian du Tertrelemonde.fr. En effet, passer d’une économie de la propriété à une économie de l’usage requiert de surmonter des obstacles : adapter les mentalités (chez les vendeurs comme chez les clients habitués à posséder), inventer de nouveaux indicateurs de performance, faire évoluer les cadres juridiques et comptables (pour les contrats de service, les normes comptables de location, etc.), et financer l’investissement initial par les producteurs (qui restent propriétaires des biens). Il faut également veiller à ce que ces nouveaux modèles ne dérivent pas en simple “abonnementisation” peu vertueuse – par exemple, multiplier les abonnements sans apporter de réel gain environnemental. L’intention de départ doit rester au cœur du modèle : fournir la fonctionnalité utile avec le minimum de ressources, et intégrer les externalités dans la création de valeur.

Malgré ces défis, les tendances de fond jouent en faveur de l’EFC. Les consommateurs, notamment les jeunes générations, sont moins attachés à la propriété que par le passé et recherchent des usages pratiques, flexibles et éco-responsables. La pression réglementaire s’accentue pour une économie plus circulaire (lois anti-gaspillage, indices de réparabilité, responsabilité élargie des producteurs). Les technologies numériques (IoT, plateformes, data) facilitent le suivi de l’usage et la facturation à la consommation réelle, rendant ces modèles plus viables à grande échelle. Enfin, les premiers succès inspirent confiance : les grandes entreprises qui ont amorcé ce virage constatent souvent une différenciation positive et une fidélisation accrue de leur clientèle. Signify projette ainsi de doubler la part de son chiffre d’affaires issu des services d’éclairage d’ici 2025lemonde.fr, et Michelin étend ses offres de facturation à l’usage sur de nouveaux marchés.

En conclusion, l’économie de la fonctionnalité et de la coopération apparaît comme un levier stratégique pour construire une économie plus durable et compétitive. En recentrant la stratégie d’entreprise sur l’usage, la qualité de service et la cooperation avec les parties prenantes, ce modèle innovant répond aux exigences du XXIᵉ siècle : il conjugue efficacité économique, préservation de l’environnement et progrès social. Les entreprises qui sauront intégrer cette vision créeront de la valeur d’une manière nouvelle, en phase avec les attentes de la société et les limites planétaires. Vendre un usage plutôt qu’un produit, c’est finalement remettre l’innovation au service de l’humain et de son environnement – un changement de cap ambitieux, mais porteur de durabilité et de prospérité partagée pour les décennies à venir.

Sources : Le Monde lemonde.frlemonde.fr; Les Échos economiecirculaire.org; Commissariat général au Développement durable notre-environnement.gouv.frnotre-environnement.gouv.fr; BCG bcg.com; Deloittewww2.deloitte.comwww2.deloitte.com; Knowledge@Whartonknowledge.wharton.upenn.edu et autres.

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