De l’Échec au Succès : Bien Réussir son Innovation

De l’Échec au Succès : Bien Réussir son Innovation​

La plupart des initiatives d’innovation échouent. Alex Osterwalder, expert reconnu en stratégie, estime par exemple que sept projets innovants sur dix devraient être abandonnés en cours de route, et qu’à peine un sur dix aboutira vraiment – selon lui, il faut donc gérer un portefeuille d’environ 50 projets pilotes en parallèle pour espérer un retour sur investissement significatif medium.com

Ce constat peut sembler décourageant, mais il souligne surtout une réalité : l’innovation ne réussit que rarement du premier coup, et c’est en apprenant de ces échecs qu’on finit par rencontrer le succès. 

Comment alors maximiser vos chances de réussite en innovation, tout en évitant de gaspiller temps et ressources ? Voici cinq pistes concrètes – de l’équipe idéale à la gestion des projets « zombies », en passant par la philosophie du fail fast, le pilotage par le ROI, et de nouveaux frameworks comme les AKIs vs OKRs – illustrées par les pratiques d’entreprises pionnières comme Amazon, Google, AirBnB ou Bosch.

 

L’équipe idéale pour innover : compétences, culture et structure

Innover n’est pas qu’une question de budget ou de technologie – c’est avant tout une affaire d’équipe. La composition, l’état d’esprit et la structure de l’équipe d’innovation vont fortement influencer le sort de vos projets. 

Une équipe idéale pour innover est généralement à taille humaine : ni trop réduite, ni pléthorique. Des experts recommandent de démarrer petit, par exemple avec 6 à 10 personnes aux profils complémentaires trinetix.com trinetix.com

Amazon applique d’ailleurs la « règle des deux pizzas » – une équipe doit être suffisamment petite pour être nourrie avec deux pizzas – afin de garantir agilité et cohésion. Chez Google, les « teams » cross-fonctionnelles intègrent ingénieurs, designers et chefs de produit collaborant étroitement, ce qui favorise l’échange d’idées et la créativité.

Au-delà du nombre, qui sont les bons éléments ? Plutôt que de ne recruter que des pointures hyper-spécialisées, privilégiez des talents « couteaux-suisses » capables d’apprendre vite et de toucher à plusieurs disciplines trinetix.com

Une étude sur la mise en place d’une équipe d’innovation souligne que les profils aux compétences transverses (généralistes) s’adaptent mieux aux technologies émergentes et acquièrent plus aisément de nouvelles connaissances trinetix.com

Autrement dit, un développeur ou un ingénieur polyvalent, curieux, sera souvent plus utile qu’un expert ultracentré sur un seul domaine, surtout en phase exploratoire.

Cependant, les compétences techniques ne suffisent pas. La culture au sein de l’équipe fait la différence entre un groupe qui patauge et un qui innove. Igor Paniuk, directeur de l’innovation chez Trinetix, affirme par exemple que la culture est l’aspect le plus important du succès en innovation trinetix.com

Une culture d’innovation solide valorise la diversité des points de vue et encourage la prise de risque sans crainte de l’échec

Il s’agit de recruter des personnes passionnées, qui n’ont pas peur de se tromper, tout en restant capables d’esprit critique pour évaluer lucidement les idées trinetix.com. Bosch, par exemple, promeut une culture de l’échec constructif en interne : sa division Bosch Business Innovations affiche un engagement envers la transparence et la sécurité psychologique, où chaque échec est vu comme « une opportunité de gagner de nouvelles insights, d’affiner les approches et de repousser les limites du possible » bosch-business-innovations.com

Dans cette culture, les idées folles peuvent être exprimées librement, et chaque voix compte – ce climat de confiance est propice à l’émergence d’innovations originales.

En termes de structure, on observe que les entreprises innovantes mettent souvent en place des unités dédiées, parfois appelées « Labs » ou incubateurs internes, qui fonctionnent différemment du reste de l’organisation. 

Ces entités bénéficient d’une certaine autonomie pour expérimenter rapidement, à l’abri des contraintes bureaucratiques du core business. Par exemple, Google X (le « moonshot factory » d’Alphabet) fonctionne en marge de Google, avec ses propres règles axées sur l’audace technologique. 

Chez Bosch, l’initiative “Beyond Business” a mis en place une structure séparée pour ses intrapreneurs, afin de leur offrir un environnement de travail unique et orienté prise de risque, distinct des activités courantes bosch-business-innovations.com

Une fois l’équipe de base en place, il est aussi judicieux de définir quelques rôles clés : un leader technique (architecte) chargé de valider les technologies et l’intégration, un product owner (ou analyste métier) responsable de l’alignement avec les besoins business et de la création de valeur, un “success manager” faisant le lien entre l’équipe et les parties prenantes pour gérer les attentes, et enfin des ingénieurs polyvalents pour prototyper et développer rapidement trinetix.com trinetix.com.

 Cette structure assure que toutes les dimensions – technologique, business, utilisateur – sont couvertes, sans alourdir la petite équipe.

En résumé, l’équipe idéale pour innover est pluridisciplinaire, agile et soudée par une culture commune : celle qui valorise l’apprentissage, la créativité et la liberté d’échouer. Avec de tels fondamentaux en place, vos projets innovants partent sur de solides rails.

 

Comment et quand tuer un projet zombie

Même avec une excellente équipe, tous les projets ne méritent pas d’aller jusqu’au bout. L’une des erreurs les plus coûteuses en innovation est de persister sur un projet voué à l’échec, ce qu’on appelle familièrement un « projet zombie »

Un projet zombie est un projet qui, quelque part en cours de route, a perdu son potentiel sans que l’équipe ou la direction ne l’admette, et qui continue à consommer des ressources sans réelle chance d’impact significatif sur l’entreprise innosight.com.

 Ces projets « morts-vivants » hantent les entreprises : ils monopolisent les budgets, le temps des talents, et occupent de la place dans le pipeline au détriment d’initiatives plus prometteuses innosight.com.

Pourquoi est-il si difficile de tuer ces projets ? 

D’abord à cause de biais psychologiques bien connus. Les équipes ont tendance à s’auto-convaincre que « tout va finir par s’arranger » – on parle de biais de confirmation (on filtre les signaux pour ne voir que ceux qui confortent l’idée initiale) et d’espoir irrationnel, surtout si beaucoup d’efforts ont déjà été investis innosight.com

Il y a aussi la peur d’admettre un échec : arrêter un projet, c’est reconnaître que les hypothèses de départ étaient fausses ou que le marché a parlé en négatif. 

Dans certaines cultures d’entreprise, cela peut être perçu comme un aveu d’incompétence, ce qui pousse les responsables à prolonger artificiellement des projets moribonds. 

Enfin, des raisons politiques ou émotionnelles – ego des porteurs de projet, attachement personnel – jouent un rôle : on a du mal à « débrancher la prise » d’une idée qu’on a soi-même défendue bec et ongles pendant des mois.

Pourtant, savoir tuer vite les mauvais projets est une qualité des entreprises innovantes performantes

Jeff Bezos (Amazon) rappelle à ses équipes que pour réussir quelque chose de vraiment novateur, il faut accepter d’être souvent dans l’erreur. Il illustre cela par une analogie sportive : « si vous visez des coups de circuit, vous allez souvent rater la balle. 

Mais parfois, vous frapperez un home run : en affaires, un seul coup extrêmement fructueux peut rapporter bien plus que toutes vos petites tentatives ratées ». 

Bezos conseille ainsi de prendre des paris audacieux : « Avec seulement 10 % de chances de gagner 100 fois la mise, il faut tenter le pari à chaque fois, même si cela signifie avoir tort 9 fois sur 10 » game-changer.net

Autrement dit, il vaut mieux rapidement identifier les 9 tentatives sur 10 qui échoueront et les arrêter sans hésiter, pour concentrer l’énergie sur la tentative qui changera la donne

Amazon a appliqué cette philosophie en abandonnant sans état d’âme des projets comme le Fire Phone (un smartphone lancé en 2014, fiasco commercial notoire), tout en misant sur des paris gagnants comme AWS (Amazon Web Services)

En tuant vite le Fire Phone, Amazon a pu redéployer ses efforts sur la voix (Alexa) et le cloud, qui se sont révélés bien plus fructueux.

Quels sont les signes d’un projet zombie ? 

Plusieurs signaux d’alerte peuvent vous guider. Par exemple, l’absence d’indicateurs de traction : malgré le temps, le projet n’atteint aucun des objectifs intermédiaires fixés (utilisateurs pilotes peu intéressés, performances insuffisantes, etc.). 

Un autre signe est l’épuisement ou la démotivation de l’équipe : si même les porteurs du projet n’y « croient » plus ou se rejettent la faute (« c’est la faute du marketing… », « non, c’est la R&D… ») twentyonetoys.com

c’est très mauvais signe. Un décalage persistant avec le marché est également un drapeau rouge : par exemple un concurrent a sorti une solution bien meilleure, ou le besoin client a évolué et le projet ne répond plus au problème réel. 

Enfin, des retards chroniques et dépassements de budget sans résultat tangible doivent amener à s’interroger : prolonger un projet en espérant un miracle, c’est souvent s’enfoncer dans les sables mouvants.

Lorsque ces signaux s’accumulent, il faut avoir le courage de dire stop. Pour cela, les entreprises innovantes mettent en place des processus de revue régulière de leur portefeuille de projets. 

Un bon exemple est la pratique du “funnel” à l’innovation : à chaque palier (idée, prototype, preuve de concept, pilote, etc.), on exige des preuves concrètes (données marché, tests techniques concluants, validation utilisateur…) avant de libérer plus de budget strategyzer.com strategyzer.com

Si les preuves ne sont pas au rendez-vous, le projet est retiré du pipeline – sans que cela soit stigmatisant, car cela fait partie du jeu. 

Cette approche, parfois appelée “innovation accounting” ou financement par tranches, permet de couper tôt les projets zombies. 

Chez Google X, on va même plus loin : on célèbre les échecs utiles. Astro Teller, le patron de Google X, explique que ses équipes cherchent activement à « tuer leurs projets » elles-mêmes le plus vite possible : chaque jour, les ingénieurs identifient l’élément le plus faible de leur idée et se demandent « Comment va-t-on réussir à faire échouer le projet aujourd’hui ? » twentyonetoys.com

En attaquant d’emblée les points durs et en essayant de prouver que le concept ne marchera pas, ils accélèrent l’apprentissage. Si le projet survit à tous ces tests cruels, c’est qu’il est vraiment solide.

 Sinon, il est arrêté sans regret, et même avec les félicitations du jury : chez X, une équipe qui décide d’elle-même de stopper un projet après avoir découvert une faille rédhibitoire reçoit une prime pour sa lucidité, car elle vient d’éviter à l’entreprise de gaspiller davantage de ressources sur une impasse fastcompany.com.

En pratique, tuer un projet zombie ne doit pas être vécu comme un échec, mais comme un processus normal et sain de l’innovation. 

Cela libère des ressources (humaines, financières) pour d’autres idées plus porteuses et évite ce que l’on appelle le coût d’opportunité (ce qu’on manque de réaliser à cause d’un projet stérile qui accapare tout). 

Scott Anthony, auteur sur l’innovation, conseille même d’organiser des “Zombie Kill Meetings” périodiques où l’on passe en revue la liste des projets en cours pour identifier ceux à arrêter, un peu comme on ferait du tri dans un jardin pour arracher les plantes fanées. 

En adoptant ce rituel d’hygiène de l’innovation, vos équipes intégreront peu à peu que mettre fin à un projet est parfois la meilleure décision stratégique.

Échouer plus vite pour mieux réussir : la philosophie du fail fast

Dans la Silicon Valley, un mantra bien connu dit “Fail fast, succeed sooner” (« échouez vite, vous réussirez plus tôt »). 

L’idée est contre-intuitive au premier abord : pourquoi vouloir échouer ? En réalité, il s’agit d’apprendre le plus vite possible ce qui ne fonctionne pas, afin d’orienter rapidement le projet dans la bonne direction – ou l’arrêter, comme on vient de le voir, avant de trop investir. 

Échouer vite signifie qu’on va chercher, dès les premières phases d’un projet innovant, à tester ses hypothèses risquées sans tarder, quitte à ce que l’expérience tourne mal, pourvu qu’elle nous renseigne. 

C’est l’opposé d’une approche où l’on planifie longuement dans son coin pour découvrir trop tard, lors du lancement, que le marché n’en veut pas.

Concrètement, cette philosophie du fail fast se traduit par quelques pratiques clés. D’abord, le développement d’un MVP (Minimum Viable Product), ou produit minimum viable. 

Plutôt que de passer des années à peaufiner un produit « parfait » hypothétique, on crée la version la plus simple possible qui permet de tester l’intérêt auprès de vrais utilisateurs. 

Airbnb en est un exemple emblématique : au départ, ses fondateurs n’ont pas cherché à bâtir tout de suite une plateforme sophistiquée pour révolutionner le tourisme. 

Ils ont simplement monté un petit site web rudimentaire pour louer un matelas gonflable dans leur salon à San Francisco lors d’une conférence où les hôtels affichaient complet, histoire de voir si des voyageurs étaient prêts à payer pour loger chez des particuliers. 

Le retour d’expérience immédiat qu’ils ont obtenu a façonné ce qui allait devenir une plateforme hôtelière mondiale f22labs.com

Ce MVP ultra-basique a validé l’hypothèse que des gens seraient prêts à dormir chez l’habitant pour moins cher qu’à l’hôtel, et a donné aux fondateurs d’Airbnb les insights nécessaires pour améliorer le concept. 

De même, Dropbox a commencé par une simple vidéo de démonstration avant d’écrire la moindre ligne de code de son logiciel de partage de fichiers, afin de tester l’appétit du public. 

Ces approches permettent de se tromper à petite échelle et à moindre coût – ce qui est exactement l’objectif du fail fast.

Ensuite, il faut instaurer une culture de l’expérimentation rapide. Cela implique de raccourcir au maximum les cycles idée > prototype > feedback. Des géants comme Facebook ont adopté la devise “Done is better than perfect” (mieux vaut un produit fait qu’un produit parfait) pour encourager les équipes à lancer rapidement des fonctionnalités tests et recueillir de vrais retours d’utilisateurs, plutôt que de viser une perfection théorique. 

Dans le même esprit, Amazon attribue une grande partie de son succès à sa capacité à multiplier les expérimentations. 

Jeff Bezos déclarait que plus vous multipliez le nombre d’expériences, plus vous améliorez votre inventivité – il encourage ses collaborateurs à tester constamment de nouvelles idées sur le site Amazon, quitte à ce que beaucoup échouent, car chaque échec leur apprend quelque chose de précieux sur le comportement client.

Cependant, attention : « échouer vite » ne veut pas dire bâcler ou prendre des risques inconsidérés. Il s’agit d’échouer intelligemment

Astro Teller, encore lui, parle d’« optimisme combattif » (enthusiastic skepticism) chez Google X : les équipes doivent avoir assez d’optimisme pour tenter des choses audacieuses, mais aussi suffisamment de scepticisme enthousiaste pour tester leurs idées à la recherche de la faille twentyonetoys.com

L’échec n’est bénéfique que s’il est exploité comme un moteur d’apprentissage. Une entreprise doit donc mettre en place un environnement où les employés se sentent en sécurité pour signaler un problème ou un résultat négatif sans craindre de sanction. 

Comme Teller le dit avec humour : « On ne peut pas juste ordonner aux gens d’échouer vite en criant après eux. Ils résisteront, ils s’inquiéteront » twentyonetoys.com

Le rôle du management est crucial : célébrer les initiatives même avortées, capitaliser sur les enseignements de chaque tentative ratée (par exemple via des post-mortems constructifs), et éventuellement redistribuer les ressources vers les projets qui émergent renforcés de ces apprentissages.

En fin de compte, adopter la philosophie du fail fast permet d’accélérer le cycle de l’innovation. Vous passez moins de temps en mode « construction en vase clos » et plus de temps au contact de la réalité du marché. 

Les échecs précoces deviennent alors le terreau sur lequel pousseront vos innovations réussies. Comme le résume la formule attribuée à Thomas Edison (grand inventeur à l’origine de la lampe électrique) : « Je n’ai pas échoué 1 000 fois, j’ai simplement trouvé 1 000 façons qui ne fonctionnent pas ». L’important est de tirer parti de chaque essai pour affiner le tir.

Obtenir le meilleur ROI de l’innovation : KPIs, risques et pilotage

Pour un dirigeant, l’innovation est un investissement – et comme tout investissement, il faut en attendre un retour

Mais comment mesurer le ROI (Return on Investment) de l’innovation, et surtout comment l’améliorer ? La question est délicate, car les projets innovants ont par nature des résultats incertains, souvent décalés dans le temps. Néanmoins, quelques principes de pilotage peuvent vous aider à maximiser ce ROI.

Choisissez des KPIs pertinents. 

Les indicateurs de performance classiques (chiffre d’affaires, marge, etc.) ne conviennent pas pour suivre un projet en phase exploratoire. Il faut leur préférer des KPIs d’innovation qui reflètent le progrès dans l’apprentissage et la création de potentiel futur. 

Par exemple, Strategyzer (la société d’Osterwalder) propose de suivre quatre métriques essentielles : le potentiel de revenu (la taille de l’opportunité si ça marche), le risque d’innovation (le niveau d’incertitude restante – plus on avance, plus il doit baisser), l’argent investi dans les tests et le temps passé en expérimentation strategyzer.com

Ces indicateurs donnent une vision équilibrée : combinez les perspectives financières (quelle valeur pourrait-on générer) avec les efforts consentis (temps/argent) et la réduction du risque obtenue grâce aux validations en cours. 

D’autres KPIs courants incluent le taux de conversion des prototypes (combien d’idées passent les étapes pour devenir produits), le “Vitality Index” (part du chiffre d’affaires provenant d’innovations récentes, par exemple moins de 3 ans), ou encore le NPS des produits pilotes (retour des premiers utilisateurs). 

L’important est de suivre des indicateurs intermédiaires qui signalent que vous êtes sur la bonne voie, plutôt que d’attendre la fin du projet pour juger sur le seul ROI financier réalisé a posteriori.

Raisonnez en portefeuille et en horizons temporels. 

Une erreur fréquente est de vouloir que chaque projet d’innovation ait un ROI positif pris isolément.

 Or, comme on l’a vu, beaucoup échoueront. L’approche gagnante consiste à gérer l’innovation comme un portefeuille de paris, à l’instar d’un fonds de capital-risque. 

Jeff Bezos l’illustre avec la logique du coup de circuit : les quelques succès massifs « paient » pour tous les essais infructueux game-changer.net game-changer.net

Cela signifie que votre objectif n’est pas que chaque expérimentation soit rentable, mais que l’ensemble de vos innovations, sur plusieurs années, génère un rendement supérieur à l’investissement total. 

Pour cela, répartissez vos efforts sur différents horizons : des innovations « efficacité » à court terme (améliorations incrémentales qui donneront des résultats sous 1 an), des innovations sustaining à moyen terme (nouveaux produits pour vos clients actuels, résultats sous 1-2 ans), et des paris transformatifs à long terme (nouvelles activités ou modèles d’affaires, résultats à 3-5 ans) strategyzer.com strategyzer.com

Cet équilibre permet de combiner du rendement rapide (qui finance partiellement l’effort) et du potentiel de rupture plus risqué mais à fort impact. Par exemple, Alphabet (maison-mère de Google) affiche clairement ce genre de portefeuille : le “core business” très profitable (publicité en ligne) finance des projets long terme comme Waymo (voitures autonomes) ou Verily (santé) qui mettront des années à générer des revenus, mais pourraient révolutionner l’avenir du groupe.

Adoptez un processus de pilotage adaptatif. 

Pour maximiser le ROI, il faut savoir allouer judicieusement les ressources en continu, en fonction des résultats obtenus. 

Cela rejoint le principe du funnel évoqué plus haut : chaque projet reçoit une tranche de budget et de temps, puis passe un checkpoint où l’on évalue les preuves de progrès. On décide alors de renforcer l’investissement, de pivoter la stratégie, ou d’arrêter le projet. 

Ce mode de financement graduel, parfois appelé “metered funding”, évite de gros engagements initiaux irréversibles strategyzer.com

Il impose aussi aux équipes de prouver la valeur à chaque étape, ce qui augmente la discipline et la visibilité sur l’avancement. 

De plus, un tel processus envoie un message clair : l’argent de l’innovation n’est pas un droit acquis, il se mérite par des résultats (même intermédiaires). 

Beaucoup de grands innovateurs ont ce genre de discipline : chez Intel, la méthode OKR (voir ci-dessous) a longtemps été utilisée pour fixer des jalons ambitieux aux projets et couper ceux qui n’atteignaient pas des résultats significatifs en R&D.

Enfin, n’oubliez pas de considérer le risque dans votre évaluation du ROI. Un projet très risqué doit offrir en contrepartie un rendement potentiellement très élevé pour être poursuivi (principe du risque/rendement en investissement). 

À l’inverse, un petit projet d’amélioration continue, moins risqué, peut être accepté avec un ROI plus modeste. 

En pratique, cela revient à pondérer vos projections de ROI par les probabilités de succès estimées. Certaines entreprises calculent un ROI espéré (Expected ROI) en multipliant l’impact potentiel par une probabilité de réussite basée sur les données actuelles (par exemple, 20% de chances de réussir à capter tel marché). 

Si ce ROI espéré tombe en dessous de votre seuil de rentabilité exigé, c’est un signal pour revoir le projet. 

Ce genre d’arbitrage quantitatif aide à comparer des projets hétérogènes sur des bases équivalentes, un peu comme un investisseur compare des placements plus ou moins risqués.

En résumé, obtenir le meilleur ROI de l’innovation nécessite de mesurer différemment (avec des KPIs orientés apprentissage et futur), de penser en portefeuille sur le long terme, et de piloter activement par les données pour investir là où l’impact est le plus prometteur. 

Et surtout, souvenez-vous que le ROI de l’innovation ne se mesure pas qu’en euros sonnants et trébuchants immédiats, mais aussi en connaissances accumulées, en capacités développées et en positionnement stratégique pour l’avenir.

AKIs vs OKRs : Aspirations & Key Insights vs Objectives & Key Results

Pour terminer, évoquons un nouvel outil de pilotage de l’innovation qui gagne en popularité : les AKIs (Aspirations and Key Insights). Beaucoup de dirigeants connaissent déjà les OKRs (Objectives and Key Results), ce système de management par objectifs rendu célèbre par Intel puis Google. 

Dans un cadre classique ou pour des projets d’amélioration incrémentale, les OKRs fonctionnent très bien : on définit un Objectif ambitieux, et quelques Résultats Clés mesurables à atteindre pour accomplir cet objectif. 

Par exemple : Objectif = « lancer notre produit sur le marché européen d’ici fin 2025 » avec comme Résultats Clés « obtenir 3 distributeurs nationaux partenaires, recruter 10 commerciaux locaux, atteindre 2 M€ de chiffre d’affaires en 6 mois ». 

Les OKRs poussent à la clarté et à l’alignement, et motivent les équipes autour de cibles communes.

Le problème, c’est que les OKRs présupposent que l’on sait où l’on va – or, en innovation radicale ce n’est pas le cas. 

Alex Osterwalder souligne que pour les projets exploratoires en contexte d’incertitude, les OKRs ne sont pas un modèle adapté, car ils « se focalisent trop sur des résultats prédéfinis à l’avance » medium.com medium.com

Si on fixe des objectifs chiffrés trop précis à un projet dont la technologie, le marché ou le modèle économique sont encore flous, on risque de forcer une illusion de contrôle et d’étouffer l’exploration. C’est ainsi qu’est née la proposition des AKIs

Plutôt que des Objectives figés, on parle d’Aspirations – c’est-à-dire une intention générale, une direction ambitieuse sans chiffre arbitraire – et au lieu de Key Results, on définit des Key Insights à acquérir. 

L’idée clé des AKIs est la suivante : l’objectif d’une équipe innovation n’est pas de délivrer des résultats immédiats, mais des apprentissages clés

Par exemple, une équipe travaillant sur une nouvelle technologie d’énergie pourrait avoir comme Aspiration : « Découvrir un moyen viable de stocker l’énergie solaire pour la nuit ». 

Ses Key Insights attendus pourraient être : « valider quelle technologie de batterie offre la meilleure densité d’énergie dans notre contexte », « comprendre les trois principaux usages nocturnes de nos clients et leur disposition à payer », etc. 

On voit que ces « résultats » ne sont pas des métriques de performance, mais plutôt des questions auxquelles il faut répondre pour avancer.

Ce concept a été popularisé par Osterwalder précisément pour gérer la différence entre l’Exploration et l’Exploitation

Il recommande d’utiliser les AKIs pour les projets d’exploration (innovation disruptive, recherche avancée) et de conserver les OKRs pour l’exploitation (projets plus proches du core business et de l’exécution) linkedin.com

En d’autres termes, dans la partie R&D exploratoire, on pilote les équipes sur leur capacité à générer des insights, invalider ou valider des hypothèses, plutôt que d’atteindre des objectifs chiffrés prédéterminés. 

Puis, une fois qu’un projet a fait ses preuves et passe en mode industrialisation ou croissance, on peut basculer en mode OKR pour pousser la performance et l’exécution efficace.

Quels sont les avantages des AKIs ? D’abord, ils encouragent une mentalité exploratoire. L’équipe sait que sa mission est d’apprendre en continu

Cela réduit la pression malsaine de « atteindre le chiffre à tout prix », qui peut conduire à tricher avec la réalité ou à éviter les expériences risquées. 

Au contraire, avec des AKIs, on valorise les expérimentations même si elles mènent à des conclusions négatives, du moment qu’elles apportent de la clarté. 

Ensuite, les AKIs apportent de la souplesse : on peut ajuster les insights recherchés en cours de route si on découvre de nouveaux éléments, sans avoir l’impression d’échouer à un engagement de résultat. En somme, ils sont mieux adaptés à l’incertitude.

Les OKRs ne sont pas à jeter pour autant – ils restent très utiles dès que le chemin devient plus prévisible. 

Par exemple, une startup pourrait fonctionner en mode AKI dans ses premiers mois (objectif : trouver le fameux product-market fit, avec comme insights à obtenir : qui est vraiment mon client, quel usage apporte le plus de valeur, quel modèle économique génère de l’adoption…), puis une fois le concept validé, passer en OKR pour la phase de scaling (objectif : croître de X%, résultat clé : embaucher Y personnes, ouvrir tel pays, etc.). 

De grandes entreprises combinent probablement déjà ces approches sans le formaliser : Google, par son fameux principe des “moonshots”, laisse certaines équipes rêver à des aspirations folles (ex. « rendre internet accessible depuis des ballons stratosphériques » avec le projet Loon) en les évaluant sur les connaissances acquises (ex. « peut-on distribuer du wifi depuis la stratosphère à coût raisonnable ? » – réponse finale : non, d’où l’arrêt du projet Loon après des années de R&D). 

En parallèle, ses équipes produit classiques utilisent des OKRs pour améliorer de 5% tel algorithme publicitaire ou déployer une nouvelle fonctionnalité de Gmail.

En adoptant la démarche AKI vs OKR, on reconnaît que l’innovation radicale et l’exécution opérationnelle nécessitent des outils de pilotage différents

C’est un peu comme la différence entre diriger un laboratoire de recherche (où l’on formule des hypothèses et où l’on apprend de chaque expérience, même négative) et gérer une usine (où l’on optimise des processus connus). 

Un dirigeant a intérêt à sensibiliser ses équipes à cette distinction : cela évite bien des incompréhensions entre, d’un côté, les innovateurs qui se sentent asphyxiés par des objectifs trop rigides et, de l’autre, les gestionnaires qui s’impatientent de ne pas voir de résultats concrets. 

En introduisant les AKIs, vous donnez un cadre aux explorateurs pour qu’ils puissent briller dans l’incertitude, tout en sachant qu’ils devront tôt ou tard traduire leurs trouvailles en OKRs quand il s’agira de livrer de la valeur tangible.

Conclusion

De l’échec au succès, il n’y a pas de recette miracle en innovation, mais un ensemble de bonnes pratiques que tout dirigeant peut adapter à son contexte. 

Constituer la bonne équipe, avec les talents, la culture et la structure propices, c’est créer le terreau fertile où les idées pourront germer. 

Savoir terminer à temps les projets sans avenir libère l’espace pour les graines les plus vigoureuses. 

Encourager à échouer vite et petit permet de grandir plus sûrement. Garder un œil sur le ROI de l’innovation – avec les bons indicateurs et un pilotage souple du risque – assure que l’on apprend au meilleur coût. 

Enfin, distinguer les AKIs des OKRs revient à outiller différemment nos explorateurs et nos exploitants, pour tirer le meilleur des deux mondes.

L’innovation restera toujours en partie un pari. Mais comme le montre l’expérience d’entreprises de tous secteurs, de la tech à l’industrie, on peut empiler les chances de son côté

En adoptant ces approches éprouvées – inspirées par Amazon, Google, AirBnB, Bosch et bien d’autres – vous donnerez à vos équipes les moyens de transformer plus d’échecs apparents en succès retentissants. 

Après tout, chaque échec n’est qu’une étape vers la prochaine réussite. Innovons donc, armés de ces leçons, pour passer de l’échec… au succèsgame-changer.net medium.com

 

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