Comment l’IA transforme les plateformes financières

Comment l’IA transforme les plateformes financières

L’intelligence artificielle (IA) s’impose comme un levier de transformation majeur pour l’industrie financière, bousculant aussi bien les banques traditionnelles que les fintechs. 

De la distribution de crédit à la gestion de patrimoine, en passant par la conformité réglementaire, la détection de fraude, le service client, le conseil financier ou le trading, l’IA révolutionne les processus et les modèles d’affaires. 

Les établissements financiers l’intègrent désormais à grande échelle : selon une enquête mondiale de McKinsey, 60 % des entreprises de services financiers avaient déployé au moins une capacité d’IA en 2023, contre 40 % dans l’ensemble des industries ( 7 Key Ways AI is Transforming Financial Services in 2023 ). 

Les promesses en termes de création de valeur et de gain d’efficacité sont considérables. 

McKinsey estime par exemple que les technologies d’IA générative pourraient apporter de 200 à 340 milliards de dollars par an au secteur bancaire (How Generative AI in Finance Cuts Costs and Improves Customer Experience — ITRex), tandis que les banques pourraient économiser jusqu’à 447 milliards de dollars d’ici 2023 grâce aux applications de l’IA, notamment dans les fonctions front et middle office ( 7 Key Ways AI is Transforming Financial Services in 2023 ). 

Face à ces enjeux, quasiment tous les acteurs financiers ont initié des stratégies IA pour rester compétitifs.

Dans cet article, nous passons en revue les principaux domaines bancaires et financiers métamorphosés par l’IA, les outils mobilisés (machine learning, traitement du langage naturel, automatisation robotisée des processus, etc.), des cas d’usage concrets, ainsi que les approches adoptées par les banques traditionnelles et les fintechs.

IA pour le crédit et l’octroi de prêts

L’évaluation du risque et l’octroi de crédit figurent parmi les premiers terrains de jeu de l’IA dans la banque. 

Historiquement, les modèles de scoring de crédit reposaient sur un nombre limité de variables (revenus, endettement, historique bancaire…) et excluaient de nombreux emprunteurs potentiels faute de données suffisantes. 

Désormais, les algorithmes de machine learning analysent des milliers de points de données, y compris des sources alternatives (factures de télécom, loyers, comportements en ligne), pour établir une image plus fine de la solvabilité des demandeurs. 

Cela permet d’ouvrir l’accès au crédit à des profils auparavant négligés tout en maîtrisant le risque.

Des fintechs spécialisées ont démontré la puissance de ces approches. 

Par exemple, Upstart, une plateforme de prêt 100 % en ligne, utilise un modèle de scoring basé sur l’IA qui approuverait 27 % de demandes supplémentaires par rapport aux modèles traditionnels, à niveau de risque de défaut équivalent, tout en offrant des taux plus bas aux emprunteurs ( 7 Key Ways AI is Transforming Financial Services in 2023 ). 

Ses algorithmes exploitent des techniques d’apprentissage automatique avancées (modèles d’ensemble, réseaux neuronaux) pour combiner de multiples indicateurs. 

Le résultat est une plus grande inclusion financière sans dégrader la qualité du portefeuille de crédit.

 Upstart met d’ailleurs sa technologie au service des banques : plus de 100 établissements partenaires utilisent sa plateforme pour proposer des crédits IA à leurs clients. 

Grâce à cette collaboration banque-fintech, plus de 80 % des prêts peuvent être accordés instantanément sans aucun document à fournir (Upstart, Nathaniel Hoopes – RIN-ZA43), améliorant radicalement l’expérience emprunteur.

Les grands groupes bancaires investissent eux aussi dans ces outils. 

Plusieurs ont développé des systèmes de décision automatisée s’appuyant sur le machine learning pour affiner l’octroi de crédit. 

Par exemple, certaines banques analysent désormais les transactions du compte ou les données sectorielles d’une PME cliente pour compléter l’étude d’un dossier de prêt professionnel. 

L’automatisation robotisée des processus (RPA) vient souvent en complément, afin d’accélérer le traitement administratif des demandes (vérification de pièces, enregistrement des contrats). 

Il en résulte des gains de productivité substantiels – par exemple, l’automatisation pourrait réduire de 80 % le temps de traitement d’un prêt immobilier (How To Implement RPA In Banking: The Ultimate Guide (2023)).

Stratégies banques vs fintechs : Les fintechs comme Upstart ou Younited Credit (en Europe) ont construit leur avantage concurrentiel sur ces modèles d’IA avancés, qu’elles déploient de bout en bout du processus de prêt. 

Les banques traditionnelles réagissent en modernisant leurs propres outils de scoring ou en nouant des partenariats avec ces fintechs pour bénéficier de leur technologie. 

L’objectif commun est d’accorder des crédits plus rapidement, à plus de clients et avec une meilleure anticipation des défauts. 

Par exemple, certaines banques utilisent les scores IA des fintechs en white-label pour leurs offres en ligne, ou bien intègrent des données alternatives dans leurs comités de crédit. 

À terme, l’IA pourrait devenir incontournable pour rester compétitif sur le marché du prêt, en particulier sur le segment digital.

IA dans la gestion de patrimoine et le conseil financier

La gestion de patrimoine et le conseil financier vivent eux aussi une mutation profonde sous l’effet de l’IA. 

L’émergence des « robo-advisors », ces plateformes automatisées d’investissement, a démocratisé l’allocation de portefeuille pour le grand public. 

Basés sur des algorithmes d’optimisation et de profilage de risque, ces conseillers virtuels proposent des portefeuilles personnalisés à moindre frais. 

Leur adoption s’accélère à l’échelle mondiale : selon PwC, les actifs confiés aux robots-conseillers pourraient atteindre 6 000 milliards de dollars en 2027, soit quasiment le double du niveau de 2022 (AI is transforming asset and wealth management ). 

Autrement dit, en l’espace de cinq ans, l’IA pourrait devenir un canal majeur de la gestion d’épargne pour les particuliers.

Au-delà de l’investissement passif, l’IA s’invite dans le conseil financier personnalisé. Des applications mobiles analytiques aux coachs financiers virtuels, les clients disposent d’outils dopés à l’IA pour gérer leur budget, optimiser leur épargne ou préparer leurs projets (achat immobilier, retraite…). 

Par exemple, certaines néobanques intègrent des fonctionnalités d’analyse prédictive des dépenses : l’application peut alerter un client d’une dépense excessive inhabituelle ou lui recommander d’ajuster son virement vers son compte épargne ce mois-ci en fonction de ses habitudes. 

Grâce au traitement du langage naturel (NLP), ces assistants peuvent dialoguer en langage courant et fournir des réponses instantanées à des questions financières (“Combien puis-je économiser si j’arrête tel abonnement ?”). 

Cela permet de délivrer un conseil financier ultra-personnalisé à grande échelle, que ce soit pour améliorer le scoring d’épargne d’un client ou l’orienter vers le produit bancaire le plus adapté à sa situation.

Les acteurs traditionnels adaptent aussi leur modèle d’accompagnement patrimonial. On observe l’émergence de services hybrides combinant le meilleur de l’IA et de l’humain. 

Par exemple, Morgan Stanley a équipé ses conseillers en investissement d’un assistant conversationnel à base de GPT-4 pour les aider à préparer leurs entretiens clients : l’IA peut synthétiser en temps réel de vastes informations (recherche de marché, profils clients) et même suggérer des propositions d’allocation pendant le rendez-vous (Could AI ever replace human wealth management advisors? | World Economic Forum). 

Ce type d’outil, nommé AI @ Morgan Stanley Debrief, agit comme un copilote intelligent du conseiller, augmentant sa productivité et la pertinence de ses conseils. D’après une projection du cabinet Deloitte, ces évolutions annoncent un basculement rapide : d’ici 2027, les outils d’investissement pilotés par l’IA deviendront la source principale de conseil pour les investisseurs individuels, avec un taux d’utilisation grimpant à 80 % dès 2028 (Could AI ever replace human wealth management advisors? | World Economic Forum). 

En d’autres termes, l’IA s’impose comme un relais de croissance essentiel pour servir une clientèle plus large avec des conseils autrefois réservés aux très fortunés.

Stratégies banques vs fintechs : Les fintechs de la gestion de patrimoine (Betterment, Wealthfront, N26 Invest, etc.) ont ouvert la voie en misant sur des algorithmes pour attirer les jeunes épargnants avec des frais réduits. 

Les banques privées et gestionnaires d’actifs traditionnels contre-attaquent via des offres digitales intégrant des briques d’IA, ou en rachetant des robo-advisors pour compléter leur palette.

Beaucoup adoptent une approche mixte : laisser l’IA gérer les portefeuilles standardisés et la surveillance des comptes, tout en mobilisant les conseillers humains sur la proposition de valeur à haute valeur ajoutée (stratégie fiscale, gestion patrimoniale complexe). 

Cette hybridation permet de gagner en efficacité – l’IA traite les tâches analytiques fastidieuses – et en expérience client grâce à des interactions plus fréquentes et personnalisées. L’hyperpersonnalisation devient un objectif clé : combiner les données clients multi-canales et les capacités prédictives de l’IA pour fournir le bon conseil, au bon moment, via le bon canal. 

D’après un sondage de The Economist, 31 % des dirigeants financiers estiment que l’amélioration du service personnalisé est le principal bénéfice attendu de l’IA (AI is transforming banking customers’ experience). Cet atout concurrentiel explique l’essor des initiatives IA dans le secteur du patrimoine et du conseil.

IA et conformité réglementaire (RegTech)

La conformité réglementaire – qu’il s’agisse de la lutte contre le blanchiment d’argent (AML), du respect des sanctions, du contrôle prudentiel ou de la protection des clients – est un domaine où l’IA apporte des améliorations drastiques en efficacité. 

Pour les banques, les obligations de conformité représentent un coût et une charge opérationnelle croissants : une étude de Forrester pour LexisNexis a évalué à 61 milliards de dollars par an le coût de la conformité aux crimes financiers pour les seules institutions de États-Unis et du Canada en 2023 (Study Reveals Annual Cost of Financial Crime Compliance Totals $61 Billion in the United States and Canada). 

De plus, 99 % des établissements interrogés dans cette étude rapportent une hausse de ces coûts, au point que 70 % d’entre eux citent la réduction des dépenses de conformité comme priorité des 12 mois à venir (Study Reveals Annual Cost of Financial Crime Compliance Totals $61 Billion in the United States and Canada). 

Dans ce contexte, les solutions d’IA réglementaire (RegTech) sont de plus en plus recherchées pour automatiser et fiabiliser les contrôles, tant par les banques traditionnelles que par les fintechs et les régulateurs eux-mêmes.

L’IA intervient d’abord pour automatiser la vigilance KYC (Know Your Customer) et le screening des clients. 

Des outils de vision par ordinateur et de NLP permettent par exemple de vérifier automatiquement l’authenticité de documents d’identité fournis lors de l’ouverture d’un compte, d’extraire les informations pertinentes, puis de les recouper avec des bases de données de personnes politiquement exposées ou de sanctions internationales. 

Ce qui prenait autrefois des heures de travail manuel d’analystes est réalisé en quelques secondes par un agent logiciel, avec un taux d’erreur réduit. 

De même, pour la surveillance continue des transactions, des algorithmes de détection d’anomalies analysent en temps réel les flux financiers et signalent ceux qui dérogent aux profils habituels d’un client ou présentent des schémas typiques de fraude/carrousel de blanchiment.

Les résultats obtenus par certaines banques illustrent l’apport de l’IA. HSBC a co-développé avec Google Cloud une IA d’AML (anti-blanchiment) nommée Dynamic Risk Assessment

Déployée sur plus d’un milliard de transactions mensuelles, cette IA a permis à la banque de repérer 2 à 4 fois plus de cas de criminalité financière qu’auparavant, tout en réduisant de 60 % le nombre de faux positifs dans les alertes (Harnessing the power of AI to fight financial crime | Views). 

En diminuant ces fausses alertes, l’IA évite aux analystes de conformité de perdre du temps sur des opérations légitimes (ce qui agaçait aussi inutilement les clients contactés à tort). 

Le tri intelligent opéré par l’algorithme libère du temps pour se concentrer sur les vrais cas suspects, améliorant à la fois l’efficacité et l’expérience client. 

HSBC indique également que l’utilisation de l’IA lui a permis de réduire le temps de traitement de certaines analyses de plusieurs semaines à quelques jours (Harnessing the power of AI to fight financial crime | Views), grâce à l’automatisation de la collecte d’informations sur des millions de comptes.

Au-delà de l’AML, l’IA sert aussi à fluidifier la conformité réglementaire dans son ensemble. 

Par exemple, des modèles de traitement du langage sont capables de passer en revue de longs rapports réglementaires ou de nouvelles lois pour en extraire les exigences clés et aider les équipes conformité à mettre à jour leurs procédures. 

Des IA conversationnelles internes peuvent répondre aux questions des employés sur les règles à appliquer (sous forme de chatbot “chef de la conformité”), ce qui accélère la diffusion des bonnes pratiques. 

En audit et contrôle interne, l’IA peut analyser l’ensemble des transactions d’une période pour détecter celles potentiellement non conformes (au lieu de se baser sur un échantillonnage limité par humain).

Stratégies banques vs fintechs : Les grandes banques ont souvent des départements conformité pléthoriques – plusieurs milliers de personnes dans les groupes internationaux – et voient dans l’IA un moyen de maîtriser l’inflation des coûts tout en améliorant la qualité. 

Elles investissent donc dans des solutions sur étagère (logiciels de monitoring dopés à l’IA) ou développent en interne, parfois en partenariat avec des Big Tech comme Google (cf. HSBC). 

Parallèlement, une myriade de startups RegTech innovent sur des cas d’usage précis : analyse automatisée d’actualités pour le due diligence, surveillance des communications écrites pour détecter les abus de marché, etc. 

Nombre de banques collaborent avec ces fintechs de la conformité ou intègrent leurs API pour enrichir leur dispositif. Un sondage Gartner indique que 60 % des responsables conformité prévoient d’investir dans des solutions RegTech à base d’IA d’ici 2025 (How is AI Transforming Data Security Compliance in 2024?), signe d’une adoption généralisée dans le secteur. 

In fine, l’IA tend à devenir un passage obligé pour une conformité plus proactive et prédictive – capable d’identifier de nouveaux schémas de fraude émergents en temps réel – plutôt que corrective et manuelle. Les autorités elles-mêmes encouragent cette voie, tout en travaillant à encadrer l’usage de l’IA afin d’en prévenir les biais et dérives.

IA et détection de la fraude financière

La détection de la fraude est un autre domaine où l’intelligence artificielle a un impact immédiat et visible.

 Cartes bancaires compromises, paiements non autorisés, usurpations d’identité, escroqueries en ligne : la fraude financière est protéiforme et en constante évolution. 

Pour les institutions financières, il s’agit de protéger leurs clients et leurs actifs tout en limitant les pertes financières et les atteintes à la réputation. 

Les systèmes traditionnels basés sur des règles figées (par exemple bloquer une transaction si elle dépasse tel montant ou provient d’un pays à risque) montraient leurs limites face à des fraudeurs de plus en plus sophistiqués. 

L’IA change la donne en permettant une analyse en temps réel de chaque opération avec une profondeur bien supérieure.

Les réseaux de neurones et autres modèles d’apprentissage supervisé utilisés en fraude sont entraînés sur des historiques massifs de transactions légitimes et frauduleuses. 

Ils apprennent ainsi à calculer un score de probabilité de fraude pour toute nouvelle transaction en fonction de multiples variables (lieu, appareil, comportement d’achat, horaire inhabituel, incohérences, etc.). 

Une carte utilisée à 3 heures du matin dans un pays étranger alors qu’elle n’a servi qu’en France durant des années sera immédiatement signalée, de même qu’une série d’achats sur des sites atypiques pour le profil du client. 

Ces modèles détectent aussi des patrons complexes que des règles simples ne verraient pas, par exemple des tentatives de siphonnage progressif de comptes ou des fraudes réparties sur plusieurs comptes liés.

Les performances atteintes grâce à l’IA sont éloquentes. Visa, le plus grand réseau de paiements mondial, crédite en grande partie ses investissements en IA du fait d’avoir pu bloquer 80 millions de transactions frauduleuses en 2023, soit un montant de fraude évité de 40 milliards de dollars (Visa prevented $40 bln worth of fraudulent transactions in 2023- official | Reuters). 

Ce niveau de protection, quasi doublé par rapport à l’année précédente, illustre l’efficacité des algorithmes de machine learning déployés par Visa sur son réseau VisaNet. 

Ceux-ci analysent chaque paiement en quelques millisecondes et décident de l’autoriser ou non en se basant sur le score de risque calculé. 

De leur côté, les banques émettrices de cartes utilisent également leurs propres modèles IA, souvent fournis par des solutions spécialisées (Feedzai, Stripe Radar, FICO Falcon, etc.), pour surveiller les transactions de leurs clients et détecter toute activité suspecte sur les comptes courants, comptes d’épargne ou crédits.

Outre la carte bancaire, l’IA aide à contrer d’autres fraudes : escroqueries en ligne (phishing, virement frauduleux), fraude au CEO, faux ordres de virement… 

En combinant l’analyse du langage (pour repérer des emails frauduleux) et l’analyse comportementale, certaines banques arrivent à bloquer des tentatives d’arnaques avant qu’elles ne causent du tort. 

Par exemple, un client qui se met soudain à transférer de grosses sommes à l’étranger après avoir reçu un email urgent pourrait déclencher une alerte nécessitant une confirmation vocale. 

L’IA sert aussi à réduire les faux positifs (transactions légitimes bloquées à tort) en affinant la distinction entre comportement normal et anormal propre à chaque client. 

Globalement, les solutions IA de fraude permettent de diviser par 2 ou 3 le taux de fraude sur certains canaux tout en améliorant l’expérience utilisateur (moins de cartes bloquées sans raison).

Stratégies banques vs fintechs : Sur ce terrain, les fintechs ont souvent un rôle de fournisseurs technologiques pour les banques. 

De jeunes entreprises innovent avec des modèles IA plus performants ou adaptés à de nouveaux types de fraude (crypto-monnaies, paiements instantanés) et les proposent aux institutions financières. 

Les banques, de leur côté, mutualisent souvent leurs efforts via des pools de données anonymisées pour entraîner les IA sur des bases de fraude plus larges. 

On voit également des partenariats entre banques et géants de la tech : par exemple, certaines banques utilisent l’IA de Google pour analyser les centaines de millions d’événements de sécurité qui transitent par leurs systèmes et identifier des intrusions potentielles. 

Dans le secteur des paiements, les grands réseaux (Visa, Mastercard) et processeurs (PayPal, Adyen) agissent comme des hubs d’IA anti-fraude pour l’ensemble de l’écosystème. 

Cette collaboration généralisée s’impose face à des adversaires (les fraudeurs) qui, eux aussi, commencent à exploiter l’IA pour contourner les défenses – on a vu des cas d’hameçonnage par textos générés via des IA ou de deepfakes vocaux pour tromper des opérateurs. 

La course à l’armement algorithmique est lancée, et l’avantage est pour l’instant aux institutions financières qui déploient rapidement ces outils d’IA pour maintenir un haut niveau de sécurité sans compromettre la fluidité des services.

IA et service client bancaire

Le service client dans la banque a été profondément transformé ces dernières années par l’avènement des assistants virtuels et autres chatbots alimentés à l’IA. 

Les clients bancaires, habitués à des expériences numériques instantanées dans d’autres secteurs, attendent désormais des réponses rapides 24h/24 et 7j/7 à leurs demandes, sans forcément passer par l’agence ou un centre d’appel classique. 

Pour les banques, l’enjeu est double : améliorer la satisfaction client en offrant une disponibilité continue, et réduire les coûts de traitement des demandes courantes en automatisant ce qui peut l’être.

Désormais, toutes les grandes banques ont déployé un chatbot ou agent virtuel dans leurs canaux digitaux (application mobile, site web, messageries). 

Une étude du régulateur financier américain (CFPB) indique que 100 % des 10 plus grandes banques commerciales aux États-Unis ont intégré des chatbots dans leur service client, et qu’en 2022 environ 37 % de la population américaine avait déjà interagi avec un chatbot bancaire (Chatbots in consumer finance | Consumer Financial Protection Bureau). 

Ces chiffres, en forte progression, reflètent une adoption massive de la part du public, adoption qui devrait encore croître avec l’amélioration des technologies conversationnelles. 

Les banques sont d’ailleurs en train de faire évoluer leurs chatbots initialement basés sur des arbres de décision limités vers des agents beaucoup plus sophistiqués exploitant des modèles de langage (y compris des LLM – Large Language Models – du type GPT). 

L’objectif est de passer du simple FAQ automatisé à un véritable assistant bancaire virtuel capable de comprendre l’intention du client et de traiter des requêtes complexes. 

Par exemple, la banque JPMorgan a développé son assistant “Kai” qui utilise le NLP pour répondre à des questions pointues de ses clients fortune (ex : explication d’une stratégie d’investissement ou calcul de l’impact fiscal d’une transaction), quand Bank of America a popularisé son chatbot Erica qui a déjà dépassé le milliard d’interactions traitées, allant de la simple consultation de solde à des conseils d’épargne personnalisés.

Les bénéfices de ces assistants IA sont multiples. 

Pour les clients, c’est la promesse d’une réponse immédiate à toute heure, pour des opérations allant de la consultation de solde, au blocage d’une carte, à l’obtention d’informations sur un produit. Plus besoin d’attente au téléphone ou en agence pour les demandes basiques. 

Pour les banques, chaque interaction automatisée représente un coût évité (le traitement par un chatbot coûte quelques centimes d’euros, contre plusieurs euros via un téléconseiller) et une opportunité de mieux comprendre les besoins clients en analysant les données conversationnelles. 

Une enquête mondiale indique que 46 % des professionnels des services financiers constatent une amélioration de l’expérience client grâce à l’IA (AI is transforming banking customers’ experience), notamment via ces canaux automatisés. 

De plus, l’IA permet d’hyper-personnaliser le service : en croisant l’historique du client et son contexte, le chatbot peut proposer spontanément une solution adaptée. 

Par exemple, si le client se plaint de frais, l’IA peut identifier qu’il a un profil éligible à une offre premium et lui suggérer de changer de forfait pour économiser, plutôt que de simplement renvoyer vers la grille tarifaire.

Cela dit, les limites et risques des chatbots bancaires ne doivent pas être ignorés. Tant que l’IA n’est pas capable de gérer tous les cas de manière satisfaisante, il est essentiel de permettre une escalade vers un humain facilement. 

Les régulateurs ont alerté sur des situations où des clients, bloqués dans des boucles de chatbot incapables de comprendre leur problème particulier, subissent des préjudices (problème non résolu, frustration, parfois frais supplémentaires dus à un traitement tardif) (Chatbots in consumer finance | Consumer Financial Protection Bureau). 

Les banques doivent donc calibrer prudemment l’automatisation et veiller à la conformité des réponses fournies par l’IA. Par exemple, un chatbot ne doit pas divulguer d’informations confidentielles au mauvais client suite à une mauvaise identification, ni fournir un conseil inapproprié qui pourrait engager la responsabilité de la banque. 

C’est pourquoi les institutions mettent en place des garde-fous (validation humaine de certaines réponses, limitation du périmètre d’action des bots) et forment leurs IA sur des bases de connaissances rigoureusement vérifiées. 

La confiance client est en jeu : pour que l’adoption soit pérenne, les utilisateurs doivent percevoir ces assistants comme utiles et fiables, non comme un obstacle imposé pour économiser des coûts.

Stratégies banques vs fintechs : Sur ce volet, les néobanques et fintechs ont souvent été plus agressives initialement, en misant sur des interfaces entièrement digitales sans agences – le chatbot devenait alors la première ligne de support. 

Cela a poussé les banques établies à accélérer leur transformation digitale pour ne pas perdre les jeunes clients férus de messagerie instantanée. 

Aujourd’hui, les deux types d’acteurs convergent : tout le monde déploie des agents virtuels, souvent fournis par des spécialistes technologiques (par ex. Watson Assistant d’IBM, Dialogflow de Google, ou des startups fintech comme Kasisto qui a conçu des chatbots bancaires). 

La différence se joue dans l’intégration omnicanale et la richesse fonctionnelle. Les banques possèdent une mine de données client multi-produits qu’elles peuvent exploiter pour rendre leurs assistants plus pertinents (par exemple, anticiper qu’un client va poser une question sur son prêt immobilier car il arrive en fin de taux fixe, et proactivement lui proposer une simulation de refinancement). 

Les fintechs, elles, cherchent à combler leur moindre connaissance client par une expérience utilisateur fluide et sympathique, misant sur le ton conversationnel de l’IA et des interactions ludiques pour renforcer l’engagement. 

Dans tous les cas, l’IA conversationnelle est devenue un standard du secteur financier. Le défi est maintenant de passer d’une IA répondant à des questions à une IA proactive, véritablement conseillère, qui accompagne l’utilisateur dans la durée. 

Avec les progrès des modèles de langage (ChatGPT et consorts), on voit poindre des assistants capables de dialogues riches, de contextualisation poussée, et même de traiter des requêtes complexes (comme aider un client à contester une transaction frauduleuse en préparant automatiquement le dossier de réclamation). 

Le service client bancaire de demain sera sans doute un continuum humain-IA où le client ne percevra presque plus de rupture entre le bot et le conseiller, chaque canal prenant le relais de l’autre de façon transparente.

IA et trading algorithmique sur les marchés financiers

Le trading algorithmique et la gestion des investissements sur les marchés financiers constituent un domaine historique d’application de l’informatique, mais l’IA y ajoute une nouvelle dimension en permettant l’analyse de données massives et l’apprentissage automatique des modèles de marché. 

Les fonds quantitatifs et les traders haute fréquence ont commencé dès les années 2000 à utiliser des algorithmes prédéfinis pour exécuter des ordres en quelques microsecondes ou détecter des inefficiences éphémères. 

Aujourd’hui, avec les progrès du machine learning, de plus en plus de stratégies de trading intègrent des composantes d’IA capables d’auto-amélioration et de prise en compte d’un univers de données beaucoup plus large (actualités, réseaux sociaux, indicateurs alternatifs, etc.).

Selon une étude récente, 9 gestionnaires de hedge funds sur 10 utilisent ou prévoient d’utiliser l’IA en 2023 pour améliorer leurs performances (United States Senate Committee on Homeland Security and Governmental Affairs U.S. Senator Gary C. Peters, Chairman). 

Cet engouement s’explique par la conviction que l’IA peut déceler des patterns ou des corrélations invisibles à l’œil humain et ainsi générer de l’alpha (surperformance par rapport au marché). Des modèles de deep learning peuvent par exemple ingérer des décennies de données de prix et d’indicateurs techniques pour anticiper les mouvements de cours à court terme. 

D’autres algorithmes, dits d’apprentissage par renforcement, apprennent par essais-erreurs à allouer un portefeuille d’actifs de manière optimale en fonction de différents régimes de marché. 

On voit également l’utilisation de traitement de langage naturel pour analyser en continu l’actualité financière, les annonces d’entreprises ou les tweets de personnalités influentes, dans le but d’ajuster automatiquement des positions (ce qu’on appelle le news trading automatisé).

Certains résultats expérimentaux soulignent le potentiel de ces approches. 

Des chercheurs de l’université Cornell ont montré qu’un grand modèle de langage de type GPT-4, entraîné à imiter des décisions d’investissement d’experts, pouvait dégager des rendements excédentaires par rapport au marché (Could AI ever replace human wealth management advisors? | World Economic Forum).

 Autrement dit, une IA générative analysant des données textuelles et chiffrées complexes a réussi à formuler des choix d’investissement plus performants que la moyenne, validant l’idée que l’IA peut apprendre la compétence d’un gérant financier chevronné. 

De même, plusieurs fonds d’investissement pilotés principalement par l’IA (par ex. le fonds ETF AI Powered Equity) ont obtenu ces dernières années des performances comparables aux humains, tout en s’adaptant plus rapidement lors de phases volatiles.

 Bien sûr, ces succès restent à consolider sur le long terme, car les marchés financiers sont par nature adaptatifs et tendent à intégrer rapidement les nouvelles sources d’alpha, y compris celles issues de l’IA.

Au-delà de la génération de stratégies, l’IA contribue aussi à l’optimisation de l’exécution des ordres sur les marchés. 

Les algorithmes intelligents peuvent décider de la découpe d’un ordre institutionnel en multiples ordres plus petits pour minimiser l’impact de marché, en apprenant des conditions de liquidité en temps réel. Ils peuvent également détecter et éviter d’envoyer des ordres sur des marchés momentanément instables (flash crash) en reconnaissant les signaux avant-coureurs. 

Cependant, cette sophistication n’est pas sans risques : mal contrôlée, l’IA de trading pourrait amplifier des mouvements erratiques (par exemple, plusieurs modèles apprenant les uns des autres et vendant simultanément peuvent créer un krach éclair). Les régulateurs s’en préoccupent – un rapport récent du Sénat américain souligne que l’adoption rapide de l’IA par les hedge funds pourrait poser des risques systémiques si elle n’est pas accompagnée de garde-fous appropriés (AI in Investment Management: What To Know and How to Benefit).

Stratégies banques vs fintechs : Dans la gestion d’actifs et le trading, la frontière entre banques traditionnelles et acteurs alternatifs est floue car beaucoup de banques possèdent leur propre salle de marché ou gestion d’actifs. 

Néanmoins, on observe généralement que les grands fonds d’investissement et banques d’investissement internalisent leurs développements IA (en recrutant des docteurs en IA, en créant des équipes de recherche quantitatives) pour conserver leur avantage compétitif, tandis que des fintechs spécialisées proposent des produits dérivés de ces technologies au grand public ou aux investisseurs institutionnels de taille plus modeste. 

Par exemple, il existe des robo-advisors orientés trading actif qui vendent des signaux “prêts à l’emploi” basés sur l’IA aux traders particuliers. 

Du côté des banques, certaines comme JPMorgan ou Goldman Sachs ont communiqué sur l’utilisation de l’IA pour améliorer la gestion des risques de marché et la tarification des produits dérivés complexes. 

L’IA sert aussi à automatiser la conformité trading (surveillance des communications des traders, détection de manipulations de marché). 

L’écosystème financier commence en outre à explorer l’idée d’agents autonomes de trading opérant sur la blockchain (DeFi) – un concept émergent où de petites IA gèrent un capital en direct sur des échanges décentralisés. 

Si ce modèle se développe, on pourrait voir apparaître une finance de marché partiellement dirigée par des IA interagissant entre elles. 

Pour l’heure, l’humain reste dans la boucle pour définir les objectifs et contrôler ces systèmes, mais la tendance est clairement à une augmentation de la part de décision confiée aux machines sur les marchés.

Conclusion et perspectives

De la distribution de crédit au trading, en passant par la gestion de patrimoine, la conformité, la sécurité et le service client, l’intelligence artificielle est en train de redessiner en profondeur le paysage des services financiers. 

Elle permet aux acteurs établis d’accroître leur efficacité opérationnelle, de personnaliser l’expérience utilisateur, d’élargir leur base de clients et de mieux maîtriser les risques. 

Elle offre aux nouveaux entrants (fintechs) des opportunités pour disrupter des segments entiers en apportant rapidité, innovation et coûts réduits. Les exemples concrets étudiés – scoring de crédit plus inclusif, robo-conseillers, détection de fraude en temps réel, assistants virtuels, etc. – montrent des gains tangibles en termes de coûts, de revenus ou de satisfaction client, confirmant les analyses de cabinets comme McKinsey qui chiffrent à plusieurs centaines de milliards de dollars l’impact potentiel de l’IA dans la banque (How Generative AI in Finance Cuts Costs and Improves Customer Experience — ITRex).

Pour autant, cette transformation s’accompagne de défis importants. Les institutions doivent investir dans les bonnes infrastructures technologiques, la qualité des données et les compétences humaines pour exploiter pleinement ces solutions. 

Les questions de sécurité et d’éthique sont centrales : il faut assurer la transparence des algorithmes (éviter le risque de “boîte noire” en crédit ou en trading), prévenir les biais discriminatoires, protéger les données sensibles des clients et se conformer à des réglementations qui évoluent (comme les exigences d’IA Act en Europe). 

Les banques les plus avancées l’ont compris : selon McKinsey, elles ambitionnent de devenir de véritables « AI-first institutions », c’est-à-dire d’adopter l’IA à l’échelle de toute l’entreprise pour en tirer de la valeur, faute de quoi elles risquent de prendre du retard irréversible (How AI will transform banking | McKinsey).

Les perspectives d’évolution sont enthousiasmantes. À court terme, on va assister à la généralisation des IA génératives dans la finance : assistants clients encore plus conversationnels, génération automatisée de rapports financiers, code assisté par IA dans les DSI bancaires (on a vu des gains de productivité de +40 % chez certains développeurs grâce à GPT-4 (How AI will transform banking | McKinsey)), etc. Les frontières entre services financiers et conseils automatisés vont s’estomper : votre assistant vocal pourrait demain négocier directement un crédit à votre place ou optimiser votre portefeuille en continu via des agents intelligents. 

À moyen terme, l’IA pourrait faciliter l’inclusion financière en évaluant le risque de clients jusqu’ici “invisibles” (sans historique bancaire) ou en fournissant des conseils à grande échelle à des populations peu familiarisées avec la finance. 

Elle peut aussi contribuer à la stabilité du système financier en détectant précocement des signaux faibles de crise (par analyse macroéconomique prédictive) ou en aidant les régulateurs à surveiller en temps réel la santé des institutions. 

Enfin, à long terme, on peut imaginer une réinvention du modèle de banque lui-même autour de plateformes intelligentes intégrant services financiers et extra-financiers, où l’IA orchestrera de bout en bout les parcours clients personnalisés.

En synthèse, l’intelligence artificielle constitue un puissant moteur de transformation pour les plateformes financières, offrant des opportunités inédites de croissance et d’efficacité aux banques et aux fintechs.

 Celles qui sauront l’embrasser de manière stratégique – en alignant technologie, données, talent et gouvernance – s’assureront un avantage concurrentiel décisif dans la décennie à venir. 

À l’inverse, l’IA rappelle qu’elle peut être à la fois un accélérateur pour les pionniers et un facteur de rupture pour les suiveurs : dans un secteur en pleine recomposition numérique, il ne fait guère de doute que l’IA distinguera les gagnants de demain de ceux qui resteront en retrait. 

Les dirigeants d’institutions financières en sont conscients et multiplient désormais les initiatives pour intégrer l’IA au cœur de leur stratégie d’entreprise, convaincus que l’ère de la banque augmentée par l’intelligence artificielle ne fait que commencer.

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